J'aimerais discuter de ce point très délicat.
Le problème est qu'on confond attachement avec amour, et détachement avec indifférence ou rejet.
Cela est valable vis-à-vis des objets, des animaux et des humains. Pour expliquer la différence, je vais prendre l'exemple d'un objet, plus facile à comprendre.
Monsieur X est littéralement amoureux de sa voiture: il a beaucoup travaillé pour pouvoir l'acheter, elle a de la gueule et de la classe, il la bichonne, veut qu'elle paraisse toujours neuve. Il l'emploie pour aller au boulot, et se désole quand il pleut (il va devoir la nettoyer d'urgence en rentrant), ou quand il transporte ses enfants, à qui il interdit de manger des biscuits, mais parfois leurs chaussures ne sont pas très propres... Il est malade si il trouve une griffe dedans, et s'il surprenait un voyou la griffer volontairement, il est capable de le tuer, ou presque. C'est comme si cette voiture était une peau supplémentaire, comme si elle faisait partie de lui, de sa personne.
Il a donc beaucoup de plaisir avec sa voiture, chaque fois qu'elle est bien propre et que le moteur ronronne bien, mais aussi beaucoup de tracas.
Ca, c'est un exemple d'attachement.
Voyons maintenant l'indifférence.
Monsieur Y s'en fiche de sa voiture, elle lui a aussi coûté cher, mais du moment qu'elle le conduit où il veut, qu'elle démarre le matin, il est content. Elle peut être cabossée, couverte de boue, émettre de la fumée noire, il ne le voit même pas. Il attend qu'elle soit en panne pour aller au garage.
Il n'en n'a donc aucun plaisir et ne s'en occupe pas. Son plaisir est d'être transporté, mais la voiture elle même ne lui en apporte aucun: juste des soucis quand il faut aller au garage.
Et maintenant le détachement.
Monsieur Z , dans les mêmes circonstances, aimera sa voiture mais sans excès, la soignera bien. Il apprécie le ronronnement du moteur, l'entretient scrupuleusement, la trouve jolie et a du plaisir à l'utiliser, mais il n'y est pas attaché émotionnellement,
il ne s'identifie pas à elle. Donc s'il y a une griffe dedans, bien sûr il sera contrarié, mais l'oubliera vite: "bah, cela n'empêche pas de l'utiliser". Ou bien il décidera de faire les frais de réparation, ou bien il acceptera la griffe, mais dans les deux cas, il ne sera pas affecté émotionnellement.
Maintenant les religions, qu'en disent elles ?
Sorry pour les citations approximatives, je les cite de tête.
Elles sont très sévère! Elles proposent le même détachement, mais vis-à-vis des humains. Les plus sévères sont Ghandi (hindouisme) et Jésus.
Le
bouddhisme donne surtout la méthode pour apprendre à se détacher: il ne se contente pas de dire qu'il faut être détaché. En effet, l'enseignement du bouddhisme est basé sur la diminution de la souffrance due à l'illusion, et monsieur X est bien évidemment dans l'illusion que sa voiture est un objet important qui fait partie sa personne , au lieu d'être son véhicule.
Ghandi asocie l'attachement à la peur: en effet monsieur X vit dans la crainte que sa voiture soit abîmée.
Il appelle l'absence de peur "l'intrépidité" (du moins, c'est traduit ainsi). Dans les lettres à l'Ashsram, il dit que c'est en supprimant l'attachement aux objets et aux personnes qu'on atteindra l'intrépidité. Je ne sais pas si cela vient de l'hindouisme, ou de lui personnellement. Si JR passe par ici... ?
Jésus ne reste pas à la traîne ! Dans les traductions, il va jusque recommander de haïr père et mère, ce qui est en totale contradiction avec le reste de son enseignement, ce qui fait penser qu'il voulait dire "trancher le lien avec les proches", donc s'en détacher. Idem avec les objets "là où sera ton coeur, sera aussi ton esprit", ce qui fait penser aux esprits-fantômes attachée à un lieu, ce qui les empêche de continuer leur évolution.
Voilà, je vous laisse la parole